Anxiété et nervosité causées par les médicaments : causes et solutions
Maxime Dezette 30 décembre 2025 0 Commentaires

Vous avez commencé un nouveau médicament, et soudain, vous vous sentez tendu, nerveux, comme si un danger imminent vous poursuivait. Votre cœur bat plus vite, vos mains tremblent, vous ne dormez plus. Vous vous demandez : est-ce moi ? Ou est-ce le médicament ?

Beaucoup de gens vivent cette expérience sans savoir que leur anxiété vient directement d’un traitement médical. Ce n’est pas une crise de panique psychologique. Ce n’est pas une dépression qui s’installe. C’est une réaction physique à une substance chimique qui perturbe votre cerveau. Et la bonne nouvelle, c’est que ça peut disparaître - si vous savez quoi faire.

Quels médicaments peuvent provoquer de l’anxiété ?

Il ne s’agit pas d’un effet rare. Des études montrent que 5 à 7 % des cas d’anxiété sont directement liés à des médicaments. Certains sont connus depuis des décennies, d’autres sont de plus en plus prescrits, et peu de médecins en parlent en début de traitement.

  • Corticoïdes : comme la prednisone, l’hydrocortisone ou le méthylprednisolone. Ils sont souvent prescrits pour l’asthme, les maladies auto-immunes ou les inflammations. À fortes doses ou sur le long terme, ils agissent sur l’axe HPA - le système qui gère le stress - et peuvent déclencher de l’irritabilité, de l’insomnie et des crises d’anxiété. Un patient sur cinq en prendant des corticoïdes pendant plus de deux semaines rapporte des symptômes d’anxiété.
  • Médicaments pour le TDAH : Adderall, Vyvanse, Ritalin, Focalin. Ce sont des stimulants. Ils augmentent la dopamine et la noradrénaline pour améliorer la concentration… mais ils peuvent aussi surstimuler le système nerveux. Résultat : agitation, nervosité, palpitations. C’est souvent confondu avec un trouble anxieux. Pourtant, réduire la dose ou passer à un traitement non stimulant comme l’atomoxétine (Strattera) fait disparaître les symptômes chez 65 % des patients.
  • Médicaments pour l’asthme : l’albutérol (Proventil) et le salmétérol (Serevent). Ces bronchodilatateurs peuvent provoquer des tremblements, un cœur qui bat la chamade, et une sensation de panique. Ce n’est pas une attaque cardiaque - c’est une réaction aux bêta-agonistes.
  • Médicaments pour la thyroïde : la lévothyroxine (Synthroid). Si la dose est trop élevée, votre corps entre en hyperthyroïdie. Symptômes : transpiration, accélération du rythme cardiaque, insomnie, anxiété constante. Les normes de l’American Thyroid Association recommandent de maintenir le TSH entre 0,4 et 4,0 mUI/L pour éviter ces effets.
  • Décongestionnants : la pseudoéphédrine (Sudafed). Elle resserre les vaisseaux sanguins. Cela peut augmenter la pression artérielle et déclencher une réaction de stress physique : nervosité, insomnie, agitation.
  • Antibiotiques et anesthésiques : certains antibiotiques comme la ciprofloxacine et les anesthésiques généraux ont été associés à des épisodes d’anxiété aiguë, surtout chez les personnes sensibles ou ayant déjà eu des troubles anxieux.

Le plus souvent, ces symptômes apparaissent dans les premiers jours ou semaines après le début du traitement. Ils ne viennent pas de nulle part. Ils viennent du médicament.

Comment distinguer une anxiété causée par un médicament d’un trouble anxieux réel ?

C’est la question la plus cruciale - et la plus mal posée dans les cabinets médicaux.

Une anxiété causée par un médicament (appelée trouble anxieux induit par une substance dans le DSM-IV) a des caractéristiques précises : elle commence après l’initiation du traitement, elle s’aggrave avec la dose, et elle diminue ou disparaît après l’arrêt ou la réduction du médicament.

Contrairement à un trouble anxieux généralisé (TAG), qui persiste pendant au moins six mois, même sans substance, l’anxiété médicamenteuse ne survient que pendant l’exposition au produit ou pendant son sevrage. C’est une différence fondamentale.

Les médecins doivent attendre avant de poser un diagnostic de TAG. Pour les médicaments à courte durée d’action (comme la cocaïne), il faut attendre une semaine après l’arrêt. Pour les médicaments à longue durée (comme la méthadone ou le diazépam), il faut parfois 4 à 8 semaines. Si les symptômes persistent au-delà de cette période, alors seulement on peut parler de trouble anxieux indépendant.

Un patient sur deux qui consulte pour de l’anxiété après avoir commencé un nouveau traitement se voit prescrire un antidépresseur… alors que le problème vient d’un médicament. Et ce n’est pas une erreur mineure : prendre un antidépresseur alors que le vrai coupable est un corticoïde, c’est comme traiter une brûlure avec un pansement.

Comment ça marche dans le cerveau ?

Les médicaments qui causent de l’anxiété ne « rendent fou ». Ils perturbent des systèmes biologiques bien précis.

Les stimulants pour le TDAH augmentent la libération de noradrénaline et de dopamine dans les zones du cerveau qui gèrent l’alerte et la vigilance. Trop de ces neurotransmetteurs = trop d’alerte = anxiété.

Les corticoïdes agissent sur l’axe HPA - hypothalamus, hypophyse, glande surrénale. Ce système contrôle la réponse au stress. Quand il est surstimulé par des doses élevées de corticoïdes, il envoie des signaux de danger en continu, même quand il n’y a pas de menace réelle.

La lévothyroxine en excès fait croire à votre corps que vous êtes en hyperthyroïdie. Votre métabolisme s’emballe. Votre cœur accélère. Vos muscles se contractent. Votre cerveau interprète tout ça comme une menace. Résultat : une anxiété physique qui se transforme en peur mentale.

Il ne s’agit pas d’un « problème de mental ». C’est un problème de chimie. Et comme toute chimie, elle peut être corrigée.

Médecin perplexe face à un patient dont le corps affiche des signaux de stress causés par des médicaments.

Que faire si vous pensez qu’un médicament vous rend anxieux ?

Ne vous arrêtez pas brutalement. Ne culpabilisez pas. Ne pensez pas que vous êtes « trop sensible ». Voici ce qu’il faut faire :

  1. Noter vos symptômes : tenez un journal. Notez la date, l’heure, la dose prise, et l’intensité de l’anxiété (de 1 à 10). Votre médecin ne peut pas aider si vous dites « je me sens mal » - il faut des données.
  2. Ne changez pas de dose vous-même : surtout pour les corticoïdes, les antidépresseurs ou les médicaments pour la thyroïde. Un arrêt brutal peut provoquer un sevrage encore plus angoissant.
  3. Consultez votre médecin avec vos notes : montrez-lui votre journal. Dites clairement : « J’ai commencé ce médicament le X, et depuis, j’ai ces symptômes. »
  4. Proposez des alternatives : demandez s’il existe une autre molécule avec moins d’effets sur l’anxiété. Pour le TDAH, Strattera. Pour l’asthme, un inhalateur sans bêta-agoniste. Pour la thyroïde, vérifier le taux de TSH.
  5. Privilégiez la réduction progressive : pour les corticoïdes, une diminution lente réduit les risques de sevrage anxieux. Pour les stimulants, passer à la moitié de la dose pendant une semaine peut suffire à calmer les symptômes.

Un patient sur trois qui suit ces étapes voit ses symptômes disparaître en 2 à 4 semaines. Ce n’est pas une question de « force mentale ». C’est une question de bon sens médical.

Des solutions plus sûres existent

Il n’y a pas de médicament parfait. Mais il y a des choix plus sûrs.

Pour les patients avec un historique d’anxiété, certains médecins évitent déjà les stimulants et partent directement sur des traitements non stimulants. Pour les personnes âgées, on privilégie les inhalateurs à faible dose pour l’asthme. Pour la thyroïde, on surveille le TSH tous les 6 à 8 semaines au début du traitement.

Des recherches récentes montrent même qu’un gène - CYP2D6 - peut prédire qui sera plus sensible aux effets anxieux de certains médicaments. Ce gène détermine comment votre corps métabolise les substances. Si vous avez une variante lente, vous accumulez plus de produit dans votre sang. Et donc, plus de risque d’anxiété.

En 2023, l’Institut National de la Santé mentale (NIMH) a financé 2,3 millions de dollars pour étudier ces mécanismes. L’objectif ? Un jour, avant de vous prescrire un médicament, votre médecin pourrait faire un petit test génétique pour voir si vous êtes à risque.

C’est déjà la réalité pour certains traitements en psychiatrie. Ce n’est pas de la science-fiction. C’est l’avenir de la médecine personnalisée.

Patient calme avec un journal de symptômes, tandis que l'anxiété s'éloigne doucement en style cartoon rétro.

Le rôle de la thérapie pendant la transition

Même si vous réduisez ou changez de médicament, les symptômes d’anxiété ne disparaissent pas toujours du jour au lendemain. Votre cerveau a appris à être en état d’alerte. Il faut lui apprendre à se détendre.

La thérapie cognitivo-comportementale (TCC) est l’une des approches les plus efficaces pendant cette période. Des études montrent qu’elle réduit les symptômes d’anxiété de 60 à 70 % chez les patients en cours de sevrage médicamenteux.

La TCC ne vous dit pas « respirez profondément ». Elle vous aide à comprendre que vos palpitations ne sont pas une crise cardiaque, que vos tremblements ne signifient pas que vous allez perdre le contrôle. Elle vous apprend à déconnecter les sensations physiques de la peur mentale.

Et si vous ne pouvez pas accéder à un thérapeute ? Des applications comme Woebot ou des programmes en ligne validés par des hôpitaux peuvent vous guider avec des exercices simples, quotidiens, en 10 minutes.

Les erreurs à éviter

Beaucoup de patients font des erreurs qui retardent la guérison :

  • Ignorer les symptômes : « Je vais m’habituer. » Non. L’anxiété médicamenteuse ne s’atténue pas avec le temps - elle s’aggrave.
  • Arrêter le médicament tout seul : surtout pour les corticoïdes ou les anxiolytiques. Le sevrage peut provoquer une anxiété encore plus intense.
  • Chercher une cause psychologique : « J’ai peut-être un problème depuis toujours. » Peut-être. Mais si les symptômes ont commencé après le médicament, c’est le médicament qu’il faut examiner en premier.
  • Attendre trop longtemps : selon des enquêtes, 42 % des patients attendent plus de trois mois avant que leur médecin reconnaisse le lien. Pendant ce temps, l’anxiété s’installe, la qualité de vie chute, le sommeil se détruit.

Vous n’êtes pas un cobaye. Vous êtes un patient. Et vous avez le droit de demander : « Est-ce que ce médicament peut causer ça ? »

Comment prévenir l’anxiété avant qu’elle ne commence ?

La meilleure solution, c’est de ne pas la laisser arriver.

Avant de commencer un nouveau traitement, posez ces questions :

  • « Ce médicament peut-il causer de l’anxiété ? »
  • « Y a-t-il une alternative moins stimulante ? »
  • « Quelle est la dose minimale efficace ? »
  • « Faut-il surveiller des taux sanguins ? »
  • « Que dois-je faire si je ressens de la nervosité ou des palpitations ? »

Si vous avez déjà eu des troubles anxieux, dites-le. Si vous avez des antécédents familiaux, dites-le. Si vous avez déjà eu une réaction négative à un médicament, dites-le.

Les médecins ne lisent pas dans vos pensées. Ils ne savent pas que vous avez eu une crise d’anxiété après un traitement il y a deux ans. Vous êtes la seule personne qui connaît votre corps. Parlez.

La médecine moderne a fait des progrès énormes. Mais elle ne peut pas vous aider si vous ne lui donnez pas les bonnes informations.

L’anxiété causée par un médicament peut-elle devenir permanente ?

Non, pas si elle est bien identifiée. L’anxiété induite par un médicament disparaît généralement une fois que le produit est éliminé du corps ou que la dose est réduite. Dans de rares cas, si l’anxiété a été ignorée pendant des mois, le cerveau peut développer des habitudes de stress qui persistent. C’est pourquoi il est crucial d’agir rapidement. Ce n’est pas une maladie chronique - c’est une réaction réversible.

Puis-je prendre des antidépresseurs pour traiter l’anxiété causée par un médicament ?

Pas en premier lieu. Les antidépresseurs ne traitent pas la cause. Ils masquent les symptômes. Si votre anxiété vient d’un corticoïde ou d’un stimulant, le traitement efficace, c’est de changer ou réduire ce médicament. Les antidépresseurs peuvent être utiles en complément si les symptômes persistent après l’ajustement du traitement, mais ils ne doivent pas être la première réponse.

Pourquoi mon médecin n’a-t-il pas pensé à ce lien ?

Parce que la plupart des médecins ne sont pas formés à reconnaître les effets psychologiques des médicaments courants. Ils apprennent à traiter les maladies, pas les réactions aux traitements. De plus, l’anxiété est souvent perçue comme un problème mental, pas comme un effet secondaire physique. C’est une lacune du système, pas votre faute. Vous avez raison de poser la question.

Les médicaments naturels ou les compléments peuvent-ils causer de l’anxiété ?

Oui. Certains compléments comme l’Éleuthérocoque, le guarana, la caféine en forte dose, ou même l’huile de CBD à haute concentration peuvent déclencher de l’anxiété. Ce n’est pas parce qu’un produit est « naturel » qu’il est inoffensif. Les effets sur le système nerveux sont réels, et ils peuvent être puissants.

Combien de temps faut-il pour que l’anxiété disparaisse après l’arrêt du médicament ?

Ça dépend du médicament. Pour un bronchodilatateur comme l’albutérol, les symptômes peuvent disparaître en 24 à 48 heures. Pour les corticoïdes, il faut 1 à 3 semaines après la réduction. Pour les stimulants du TDAH, 7 à 14 jours. Pour les médicaments à longue demi-vie comme la méthadone ou le diazépam, jusqu’à 8 semaines. La clé, c’est la patience - et la surveillance.