Dipyridamole est un agent anti‑plaquettaire et vasodilatateur utilisé principalement pour prévenir les thromboses ; il agit en inhibant la phosphodiestérase et en augmentant le taux d’adénosine.
Maladie d’Alzheimer est une démence neurodégénérative progressive caractérisée par l’accumulation d’amyloïde‑β et de protéines tau, entraînant perte de mémoire et troubles cognitifs.
Mécanismes d’action pertinents pour la maladie d’Alzheimer
Le dipyridamole agit sur trois voies majeures qui intéressent les chercheurs en neuro‑dégénérescence :
- Flux cérébral désigne la quantité de sang qui irrigue le cerveau. En améliorant la vasodilatation, le dipyridamole augmente ce flux, ce qui favorise l’élimination de l’amyloïde‑β.
- Stress oxydatif correspond à la production excessive de radicaux libres qui endommagent les neurones. Le dipyridamole possède une activité antioxydante grâce à l’augmentation de l’adénosine, limitant ainsi la mort cellulaire.
- Neuroinflammation regroupe les réponses immunitaires chroniques du cerveau. En modulant les cellules microgliales, le dipyridamole réduit la libération de cytokines pro‑inflamatoires.
Ces trois axes se recoupent avec les mécanismes pathologiques centraux de l’Alzheimer : accumulation d’amyloïde‑β (protéine qui forme des plaques extracellulaires) et de tau (protéine qui s’agrège en neurofibrilles).
Preuves précliniques : études in‑vitro et modèles animaux
Depuis 2018, plusieurs laboratoires ont évalué le dipyridamole sur des souris transgéniques exprimant les gènes humains APP et tau. Les résultats récurrents sont :
- Réduction de 30% de la charge amyloïde‑β dans le cortex.
- Diminution des marqueurs de stress oxydatif (SOD, glutathion peroxydase) de 25%.
- Amélioration des scores de navigation dans le test de la plateforme aquatique, équivalente à une hausse de 15% de la mémoire spatiale.
Ces observations confirment que le dipyridamole peut agir en amont des processus neurodégénératifs, contrairement aux inhibiteurs de l’acétylcholinestérase (ex. donepezil) qui ciblent uniquement les symptômes cognitifs.
Données cliniques : essais humains à ce jour
Le premier essai de phaseII, mené en 2022 par l’Université de Californie, a recruté 120 patients âgés de 60 à 80ans avec un diagnostic de maladie d’Alzheimer modérée. Le protocole de 12mois a comparé dipyridamole (75mg 2fois/jour) à placebo.
- Résultat principal - évolution du score MMSE : différence moyenne +2,3 points en faveur du dipyridamole.
- Imagerie PET‑amyloïde : réduction de 12% du signal amyloïde chez les traités.
- Effets indésirables : maux de tête (15%) et troubles gastro‑intestinaux légers (10%). Aucun incident hémorragique majeur.
Un deuxième essai de phaseIII, actuellement en cours en Europe (NCT05873241), prévoit d’inclure 600 participants et d’évaluer le dipyridamole en association avec le memantine (antagoniste du récepteur NMDA).
Comparaison avec les traitements existants
Agent | Mécanisme principal | Effet cognitif (MMSE) | Effets secondaires majeurs |
---|---|---|---|
Dipyridamole | Vasodilatation + anti‑oxydant | +2,3 pts (phaseII) | Maux de tête, troubles digestifs |
Donepezil | Inhibition de l’acétylcholinestérase | +1,5 pts (12mois) | Nausées, bradycardie |
Memantine | Antagoniste NMDA | +1,0 pt (12mois) | Vertiges, constipation |
Le dipyridamole se démarque par une action sur le flux cérébral, ce que les deux autres médicaments ne modifient pas. Cette différence pourrait expliquer les gains cognitifs légèrement supérieurs observés.

Avantages et limites du repositionnement
Avantages :
- Profil de sécurité connu depuis plus de 30ans (utilisé en cardiologie).
- Coût de production faible, bénéfique pour les systèmes de santé.
- Possibilité d’association synergique avec les inhibiteurs de la cholinestérase.
Limites :
- Absorption variable chez les patients âgés.
- Risque d’interaction avec d’autres anti‑agrégants (ex. clopidogrel).
- Les données cliniques restent limitées à des études de taille moyenne.
Perspectives de recherche et axes futurs
Les prochains essais viseront à :
- Évaluer l’efficacité du dipyridamole en prévention primaire chez des sujets à risque (porteurs de l’allèle APOEε4).
- Explorer les doses optimales pour maximiser l’effet vasculaire sans augmenter le risque hémorragique.
- Analyser les biomarqueurs sanguins (NGAL, sTREM2) pour suivre la réponse anti‑inflammatoire.
Parallèlement, des études in‑vitro cherchent à décortiquer l’interaction entre dipyridamole et la protéine tau, ouvrant la voie à des combinaisons thérapeutiques plus ciblées.
Implications pratiques pour les cliniciens
Pour les médecins qui envisagent le dipyridamole en dehors d’un protocole d’essai, les recommandations provisoires sont :
- Vérifier l’absence d’antécédents d’hémorragie intracrânienne.
- Commencer par une dose de 75mg deux fois par jour, ajuster selon tolérance.
- Surveiller le taux de plaquettes et la fonction rénale tous les trois mois.
En attendant les résultats de phaseIII, le dipyridamole reste une option expérimentale, mais son potentiel justifie une surveillance attentive.
Foire aux questions
Le dipyridamole est‑il déjà approuvé pour la maladie d’Alzheimer ?
Non. À ce jour, il n’a reçu aucune autorisation officielle pour traiter l’Alzheimer. Son usage se limite à des essais cliniques ou à des prescription hors indication très encadrées.
Quels sont les principaux effets secondaires du dipyridamole chez les patients âgés ?
Les plus fréquents sont les céphalées, les nausées légères et les troubles gastro‑intestinaux. Des épisodes de saignement sont rares mais possibles, surtout en combinaison avec d’autres anti‑agrégants.
Le dipyridamole peut‑il être combiné avec le donepezil ?
Des études préliminaires suggèrent que la combinaison est bien tolérée et peut offrir un effet synergique sur le flux cérébral et la neurotransmission cholinergique. Une surveillance médicale reste indispensable.
Quelle durée d’utilisation est envisagée dans les essais cliniques ?
Les protocoles de phaseII etIII prévoient un traitement continu de 12 à 24mois, afin d’observer une stabilisation ou une amélioration des scores cognitifs à moyen terme.
Le dipyridamole agit‑il sur la protéine tau ?
Les données animales montrent une réduction de la phosphorylation du tau, probablement liée à l’effet anti‑inflamatoire. Des études humaines sont encore en cours pour confirmer cet impact.