La cétose acido-diabétique (DKA) n’est pas une simple hausse de la glycémie. C’est une urgence médicale qui peut tuer en quelques heures si on ne réagit pas. Elle touche surtout les personnes atteintes de diabète de type 1, mais aussi certains diabétiques de type 2 en cas d’oubli d’insuline, d’infection ou de traitement inadapté. Chaque année, plus de 500 000 personnes aux États-Unis sont hospitalisées pour cette raison. En France, les cas sont moins fréquents, mais pas rares - surtout chez les jeunes non diagnostiqués ou ceux qui ne peuvent pas se permettre leur insuline.
Les premiers signes : ne les ignorez pas
Les premiers symptômes apparaissent souvent en 4 à 12 heures. Vous avez une soif extrême, même après avoir bu plusieurs litres d’eau. Vous urinez sans arrêt, parfois plus de 3 litres par jour. Votre bouche est sèche comme du papier de verre. Votre glycémie dépasse 250 mg/dL - ce qui est très haut, même pour un diabétique. Mais attention : 10 % des cas sont « euglycémiques ». Cela veut dire que la glycémie est normale ou juste élevée (moins de 250 mg/dL), mais que les cétones sont en train de s’accumuler. C’est particulièrement vrai chez les personnes qui prennent des médicaments comme les SGLT2 (canagliflozine, dapagliflozine), même si elles n’ont pas de diabète de type 1. Ces patients peuvent se dire « Je n’ai pas une glycémie folle, donc ce n’est pas grave »… et se retrouvent à l’hôpital en urgence.La progression : quand ça devient critique
Au bout de 12 à 24 heures, les symptômes s’aggravent. Vous avez des nausées, puis des vomissements. Votre ventre vous fait mal, comme si vous aviez une appendicite. Vous êtes épuisé. Vous ne pouvez plus marcher, ni même vous lever. Votre force musculaire chute de 30 à 40 % - vous ne pouvez plus tenir une tasse. Puis viennent les signes d’alerte rouge :- Votre respiration devient profonde et rapide - jusqu’à 30 respirations par minute. C’est ce qu’on appelle la respiration de Kussmaul. Votre corps essaie de chasser l’acide en expulsant du CO₂.
- Votre haleine sent le fruit pourri, comme de l’acétone. C’est l’odeur des cétones.
- Vous vous sentez confus, désorienté. Vous ne comprenez plus ce qu’on vous dit.
- Vous vous endormez, ou vous ne réagissez plus comme d’habitude.
Comment on diagnostique la DKA à l’hôpital
Les médecins ne se basent pas seulement sur vos symptômes. Ils vérifient trois choses :- La glycémie : > 250 mg/dL (mais parfois moins dans les cas euglycémiques)
- Le pH du sang : < 7,3 (le sang normal est à 7,35-7,45)
- Le taux de bicarbonate : < 18 mmol/L
- La cétone sanguine : > 3 mmol/L (mesurée avec un lecteur de cétone, pas avec des bandelettes urinaires)
Le traitement : fluides, insuline, électrolytes
Le traitement ne prend pas une heure. Il dure des jours. Mais il est simple, et il marche - si on le fait bien. 1. Réhydratation : On vous donne 1 à 1,5 litre de sérum physiologique (NaCl 0,9 %) en une heure. Ensuite, on continue à 250 à 500 mL par heure. L’objectif : rétablir le volume sanguin. Vos reins ont besoin d’eau pour éliminer les cétones. Sans fluides, l’insuline ne fonctionne pas. 2. Insuline : On vous injecte une petite dose d’insuline (0,1 unité par kg de poids) en bolus, puis on vous branche à une perfusion continue à la même dose. On ne vous donne pas d’insuline par voie orale. On ne vous donne pas d’insuline « à la dose habituelle ». On utilise une dose précise, calculée, et on surveille votre glycémie chaque heure. La cible : faire baisser la glycémie de 50 à 75 mg/dL par heure. Trop vite ? Risque d’œdème cérébral. Trop lent ? La cétose continue. 3. Électrolytes - surtout le potassium : Même si votre taux de potassium dans le sang est normal, vous êtes en train de perdre du potassium par les urines. Votre corps est en défaillance totale. On vous en donne 20 à 30 mEq par heure, par perfusion. Si on oublie le potassium, vous pouvez avoir des arythmies mortelles. 4. Bicarbonate ? Presque jamais. On ne vous donne pas de bicarbonate sauf si votre pH est < 6,9. C’est rare. Dans 95 % des cas, les fluides et l’insuline suffisent. Les anciens protocoles qui utilisaient le bicarbonate ont été abandonnés parce qu’ils augmentaient les risques d’œdème cérébral, surtout chez les enfants.Combien de temps à l’hôpital ?
La durée dépend de votre état au début. Si vous arrivez avec un pH de 7,0 à 7,2, vous restez en moyenne 2,1 jours. Si vous êtes à pH < 7,0, vous restez plus de 3 jours. Le traitement ne s’arrête pas quand vous allez mieux. Il faut que :- Les cétones sanguines soient < 0,6 mmol/L
- Le pH soit > 7,3
- Le bicarbonate soit > 18 mmol/L
- Et que tout ça reste stable pendant deux mesures consécutives
Les pièges à éviter
Les erreurs les plus courantes ne viennent pas des médecins. Elles viennent des patients.- Attendre trop longtemps. 68 % des patients attendent plus de 6 heures après le début des symptômes avant d’appeler les secours. La raison ? « Je pensais que ce n’était qu’une grippe. »
- Confondre avec une gastro. 18 % des cas d’DKA chez les adultes sont d’abord diagnostiqués comme une gastro-entérite. Votre ventre vous fait mal ? Vomissements ? Vous avez peut-être une infection, mais aussi une DKA.
- Arrêter l’insuline quand on est malade. C’est la pire erreur. Quand vous êtes malade, votre corps a besoin de plus d’insuline, pas moins. Même si vous ne mangez pas, vous devez continuer à en prendre.
- Les pompes à insuline. 35 % des DKA chez les utilisateurs de pompe sont dus à un blocage du cathéter. Si vous êtes malade, changez de cathéter, ou passez aux injections.
La prévention : ce qui change tout
La meilleure façon de ne pas finir à l’hôpital, c’est de ne pas y aller.- Utilisez un capteur de glycémie continue (CGM). Les utilisateurs de Dexcom G7 ou Freestyle Libre ont réduit leur risque de DKA de 76 %. Pourquoi ? Parce qu’ils reçoivent des alertes quand la glycémie monte ET quand les cétones commencent à apparaître.
- Testez vos cétones quand votre glycémie dépasse 240 mg/dL. Si vous avez des cétones modérées ou élevées, appelez votre médecin ou allez aux urgences.
- Si vous êtes en situation de précarité, demandez de l’aide. L’insuline coûte en moyenne 374 $ par mois aux États-Unis. En France, les aides existent - mais beaucoup ne les connaissent pas. Parlez à votre diabétologue ou à votre pharmacien.
- Si vous êtes parent d’un enfant nouvellement diagnostiqué, apprenez à reconnaître les signes. 30 % des DKA chez les enfants sont la première manifestation du diabète de type 1.
Les nouvelles avancées
La science progresse. En 2023, la FDA a approuvé le premier algorithme de prédiction de DKA : DiaMonTech AG. Il analyse les données de votre CGM et vous prévient 12 heures avant que la crise ne commence. Il est déjà intégré dans les systèmes Tidepool Loop. Dans les pays à faibles ressources, l’Organisation Mondiale de la Santé a mis en place un protocole avec de l’insuline sous-cutanée - au lieu de perfusions. Résultat ? La mortalité est tombée de 15 % à 6 % en Afrique subsaharienne. Mais malgré tout, les cas de DKA augmentent de 5,3 % par an aux États-Unis. Pourquoi ? Parce que les inégalités sociales ne disparaissent pas. Les personnes sans assurance sont 3,2 fois plus susceptibles d’être hospitalisées pour DKA.Que faire maintenant ?
Si vous avez un diabète - ou si vous en connaissez un - apprenez ces signes. Écrivez-les sur un papier. Mettez-les sur votre frigo. Envoyez-les à votre famille. La cétose acido-diabétique ne se soigne pas à la maison. Elle se prévient. Et elle se traite - vite, bien, et avec les bons gestes.Quels sont les premiers signes d’une cétose acido-diabétique ?
Les premiers signes sont une soif extrême, une urination très fréquente, une bouche sèche, une fatigue intense et une glycémie supérieure à 250 mg/dL. Dans 10 % des cas, la glycémie peut être normale (DKA euglycémique), mais les cétones sont déjà élevées.
Est-ce que la cétose acido-diabétique peut arriver chez les diabétiques de type 2 ?
Oui, bien que plus rare. Cela arrive quand il n’y a plus assez d’insuline dans l’organisme - souvent à cause d’une infection, d’un arrêt de traitement, ou d’une prise de médicaments comme les SGLT2 (canagliflozine, dapagliflozine). Les diabétiques de type 2 sous SGLT2 ont un risque accru de DKA euglycémique.
Pourquoi ne pas donner du bicarbonate en cas de DKA ?
Le bicarbonate est rarement nécessaire. Il peut aggraver l’œdème cérébral, surtout chez les enfants. Les fluides et l’insuline suffisent à corriger l’acidose dans 95 % des cas. Seul un pH < 6,9 justifie son usage - et ce cas est très rare.
Combien de temps faut-il pour guérir d’une cétose acido-diabétique ?
La durée d’hospitalisation varie de 2 à 4 jours selon la gravité. Le traitement ne s’arrête pas quand vous vous sentez mieux. Il faut que les cétones soient tombées en dessous de 0,6 mmol/L, le pH soit revenu à plus de 7,3, et que le bicarbonate soit à plus de 18 mmol/L - et que ces valeurs restent stables sur deux mesures consécutives.
Comment éviter une récidive de DKA ?
Utilisez un capteur de glycémie continue avec alertes cétones, testez vos cétones dès que votre glycémie dépasse 240 mg/dL, ne coupez jamais votre insuline quand vous êtes malade, vérifiez régulièrement votre pompe à insuline, et demandez de l’aide si vous ne pouvez pas vous permettre votre traitement. La prévention sauve des vies.