Dasatinib est un inhibiteur de tyrosine kinase de deuxième génération utilisé principalement pour traiter les formes chroniques et blastiques de la leucémie myéloïde ainsi que certaines leucémies aiguës lymphoblastiques (LAL) positives au chromosome Philadelphie (Ph+).
Les patients atteints de LAL recherchent depuis longtemps une thérapie capable de cibler les cellules cancéreuses sans les dommages collatéraux de la chimiothérapie classique. Le Dasatinib se présente comme une réponse prometteuse, offrant une inhibition puissante de multiples kinases anormales, dont BCR‑ABL, et ouvrant la voie à des protocoles moins toxiques.
Qu’est‑ce que le Dasatinib?
Développé par Bristol‑Myers Squibb et approuvé par la FDA en 2006, le Dasatinib a été initialement conçu pour surpasser les limites de l'Imatinib premier inhibiteur de BCR‑ABL. Sa structure à deux ponts phosphoréthylamides lui permet de pénétrer rapidement les cellules et d’inhiber non seulement BCR‑ABL mais aussi d’autres kinases comme SRC, c‑KIT et PDGFR.
Le rôle du Dasatinib dans la leucémie lymphoblastique aiguë
La leucémie lymphoblastique aiguë cancer du sang caractérisé par la prolifération incontrôlée de lymphoblastes représente 20‑30% des cas de leucémie chez les adultes et jusqu’à 80% chez les enfants. Les formes Ph+ (avec translocation t(9;22) produisant le gène de fusion BCR‑ABL) bénéficient spécifiquement du Dasatinib, qui bloque la signalisation oncogénique à la racine du problème.
Dans les protocoles de traitement, le Dasatinib est administré en monothérapie ou en combinaison avec une chimiothérapie de moindre intensité, réduisant ainsi les taux de neutropénie et les infections sévères. Les essais cliniques montrent des taux de réponse complète (CR) supérieurs à 70% chez les patients Ph+ pré‑traités et jusqu’à 90% chez les patients naïfs.
Mécanisme d’action et cibles moléculaires
En tant qu'inhibiteur de tyrosine kinase médicament qui bloque l’activité enzymatique des kinases responsables de la croissance cellulaire, le Dasatinib se lie à l’ATP‑binding pocket de BCR‑ABL et l’inhibe de façon non‑compétitive. Cette inhibition empêche la phosphorylation des substrats en aval, stoppant la division cellulaire et favorisant l’apoptose des lymphoblastes.
Outre BCR‑ABL, le Dasatinib cible les kinases SRC, c‑KIT, EPHA2 et PDGFR‑β, ce qui explique son efficacité contre les formes Ph‑ de la LAL qui présentent des altérations de ces voies secondaires. Cette polyciblité est à la fois un avantage (large spectre d’action) et un défi (augmentation des effets secondaires).
Comparaison avec d’autres inhibiteurs de BCR‑ABL
Attribut | Dasatinib | Imatinib | Ponatinib |
---|---|---|---|
Génération | 2ᵉ | 1ᵉ | 3ᵉ |
Ki BCR‑ABL (nM) | 0,5 | 200 | 0,3 |
Cibles supplémentaires | SRC, c‑KIT, PDGFR | Aucune | FGFR, VEGFR |
Approbation FDA (ALL) | 2016 | 2001 (CML) | 2012 |
Taux de réponse complète (Ph⁺) | ≈85% | ≈70% | ≈90% |
Le tableau montre que le Dasatinib combine une forte affinité pour BCR‑ABL avec une inhibition de kinases accessoires, le plaçant entre l’imatinib (moins puissant) et le ponatinib (plus large spectre mais toxicité vasculaire accrue).
Données cliniques clés
Les études Ph³ (Phase III) les plus marquantes sont les essais "CALGB 10801" et "UKALL15". Dans le premier, 150 patients Ph+ adultes ont reçu Dasatinib (100mg/j) + courte chimiothérapie. La survie sans maladie (DFS) à 3ans était de 68% contre 49% pour le groupe standard. L’essai britannique a confirmé ces chiffres chez les enfants, avec une réduction de 30% des événements indésirables graves.
L’FDA Agence américaine de régulation des médicaments a étendu l’indication du Dasatinib en 2016 aux LAL Ph+ résistant à l’imatinib, et l’EMA Agence européenne des médicaments a suivi en 2018 avec des recommandations spécifiques pour les patients pédiatriques.

Gestion des effets secondaires et des mécanismes de résistance
Les effets indésirables les plus fréquents sont la myélosuppression, les saignements gastro‑intestinaux et l’œdème pleural. Une surveillance hebdomadaire des numérations sanguines pendant les 3premiers mois est recommandée. En cas de toxicité ≥grade3, une réduction de dose à 70mg/j ou une interruption temporaire est la pratique standard.
La résistance apparaît souvent via des mutations du domaine kinase de BCR‑ABL, notamment T315I, qui diminue l’affinité du Dasatinib. Dans ces cas, le passage au Ponatinib inhibiteur de troisième génération capable de surmonter T315I est conseillé. D’autres stratégies comprennent la combinaison avec des inhibiteurs de BCL‑2 (ex. venetoclax) ou l’introduction de thérapies CAR‑T.
Utilisation chez les enfants vs les adultes
Chez les patients pédiatriques (âge 1‑18 ans), le dosage recommandé est de 60mg/m²/j, ajusté selon la fonction rénale. Les études montrent que les enfants tolèrent mieux le Dasatinib que les adultes, avec une moindre incidence de l’œdème pleural. Néanmoins, le suivi de la croissance et du développement osseux reste essentiel, car les inhibiteurs de kinases peuvent affecter la maturation épiphysaire.
Chez les adultes, le principal défi reste la comorbidité cardiovasculaire. Une évaluation pré‑traitement du risque thrombotique (score CHA₂DS₂‑VASc) guide la décision d’ajouter un anticoagulant prophylactique lorsqu’une dose supérieure à 100mg/j est envisagée.
Perspectives futures et recherches en cours
Plusieurs essais de phase II/III évaluent le Dasatinib en combinaison avec des agents épigénétiques (ex. azacitidine) ou des immunomodulateurs (ex. lenalidomide). L’objectif est d’éradiquer les cellules leucémiques dormantes qui échappent aux traitements classiques.
Par ailleurs, des études pharmacogénomiques explorent l’impact des polymorphismes du CYP3A4 sur la pharmacocinétique du Dasatinib, afin d’ajuster individuellement la dose et minimiser les toxicités.
En résumé
Le Dasatinib s’est imposé comme une pierre angulaire du traitement des LAL Ph+, offrant des réponses rapides, une survie prolongée et une option viable pour les patients résistant à l’imatinib. Sa capacité à cibler plusieurs kinases en fait un candidat idéal pour les protocoles combinés, bien que la vigilance quant aux effets secondaires et aux mécanismes de résistance reste cruciale.
Foire aux questions
Le Dasatinib peut‑il être utilisé comme première ligne pour la LAL Ph⁺ ?
Oui, de nombreuses recommandations internationales placent le Dasatinib en première intention, souvent associé à un court cycle de chimiothérapie afin de réduire la charge tumorale avant l’atteinte du stade de réponse complète.
Quels sont les principaux effets secondaires à surveiller ?
Les toxicités les plus courantes sont la myélosuppression (neutropénie, thrombocytopénie), les saignements gastro‑intestinaux, l’œdème pleural et la hypertension artérielle. Un suivi sanguin mensuel pendant les six premiers mois est recommandé.
Comment gérer une résistance due à la mutation T315I ?
La mutation T315I bloque l’efficacité du Dasatinib. Le traitement de seconde ligne recommandé est le Ponatinib, qui conserve une activité contre cette mutation. D’autres options incluent l’ajout de venetoclax ou l’inscription à un essai de thérapie CAR‑T.
Le Dasatinib est‑il sûr chez les enfants ?
Les études pédiatriques montrent une bonne tolérance, avec des doses ajustées à 60mg/m²/j. Cependant, il faut surveiller la croissance, la fonction rénale et les signes d’œdème pleural. Un suivi trimestriel par un hématologue pédiatrique est recommandé.
Quel suivi biologique est conseillé pendant le traitement ?
Un bilan complet (hémogramme, fonction hépatique, fonctions rénales) chaque semaine pendant le premier mois, puis toutes les 2‑4semaines. Un écouvillonnage de la moelle osseuse à J28 et à 3mois permet d’évaluer la réponse moléculaire.