Infections à HPV : vaccination, dépistage et prévention du cancer
Morgan DUFRESNE 25 décembre 2025 0 Commentaires

Le virus du papillome humain (HPV) est l’une des infections sexuellement transmissibles les plus courantes au monde. Plus de 200 souches existent, mais seulement une dizaine sont responsables de la majorité des cancers. Les types 16 et 18, en particulier, causent près de 70 % des cancers du col de l’utérus. Pourtant, ce cancer est l’un des rares à pouvoir être presque entièrement évité - grâce à la vaccination, au dépistage régulier et à un traitement rapide des lésions précancéreuses.

La vaccination : une protection à long terme

Le premier vaccin contre l’HPV a été approuvé en 2006. Aujourd’hui, les vaccins disponibles protègent contre les types les plus dangereux, notamment les types 16 et 18, responsables de la plupart des cancers, ainsi que les types 6 et 11, responsables des verrues génitales. Les vaccins modernes, comme Gardasil 9, couvrent neuf souches différentes, offrant une protection jusqu’à 90 % contre les lésions précancéreuses et les cancers liés à l’HPV.

La vaccination est recommandée dès l’âge de 11 à 12 ans, avant tout contact sexuel possible. Mais elle reste efficace jusqu’à 26 ans chez les personnes non vaccinées. Depuis 2020, de nombreux pays, dont la France, ont étendu la recommandation jusqu’à 29 ans pour les hommes et les femmes qui n’ont pas été vaccinés plus tôt. Chez les personnes immunodéprimées ou ayant un risque élevé, la vaccination peut même être proposée jusqu’à 45 ans.

Les études montrent que dans les pays où plus de 80 % des adolescentes sont vaccinées, les infections à HPV de haut risque ont diminué de plus de 80 %. En Suède, une étude publiée en 2020 a montré que les femmes vaccinées avant 17 ans avaient un risque de cancer du col de l’utérus réduit de 88 % par rapport aux non-vaccinées.

Il est important de le dire : vacciner ne remplace pas le dépistage. Même les personnes vaccinées doivent continuer à se faire dépister régulièrement. Le vaccin ne protège pas contre toutes les souches de HPV, et certaines personnes ont déjà été exposées avant la vaccination.

Le dépistage : de la cytologie à la détection virale

Pendant des décennies, le frottis cervico-vaginal (Pap test) a été la seule méthode de dépistage. Il consiste à prélever des cellules du col de l’utérus pour les examiner au microscope à la recherche d’anomalies. Mais ce test a une faible sensibilité : il rate environ 45 % des lésions précancéreuses.

Aujourd’hui, la méthode de référence est le dépistage par test HPV. Ce test ne cherche pas les cellules anormales, mais le virus lui-même. Il détecte la présence des 14 types de HPV à haut risque, dont les types 16 et 18. Deux tests sont approuvés aux États-Unis et en Europe : le cobas HPV Test de Roche et l’Aptima HPV Assay de Hologic. Ces tests utilisent des technologies avancées comme la PCR ou l’amplification transcriptionnelle pour identifier l’ADN ou l’ARN viral avec une précision supérieure à 94 %.

La différence est flagrante : un test HPV a une sensibilité de 94,6 % pour détecter une lésion de grade 2 ou plus (CIN2+), contre seulement 55,4 % pour un frottis seul. Cela signifie qu’il trouve beaucoup plus de lésions précoces. Et surtout, il permet d’allonger les intervalles de dépistage. Alors qu’un frottis devait être fait tous les 3 ans, un test HPV négatif permet d’attendre 5 ans avant le prochain.

Qui doit se faire dépister, et à quel âge ?

Les recommandations ont changé en 2020 et 2021. Voici ce que disent les grandes sociétés médicales aujourd’hui :

  • 21 à 29 ans : frottis cervical tous les 3 ans. Le test HPV n’est pas recommandé comme dépistage de première intention chez les jeunes femmes, car les infections sont fréquentes et disparaissent souvent spontanément.
  • 30 à 65 ans : trois options sont valables :
    • Test HPV tous les 5 ans (préféré)
    • Frottis tous les 3 ans
    • Cotest (HPV + frottis) tous les 5 ans
  • À partir de 65 ans : pas de dépistage si les résultats précédents étaient normaux et qu’il n’y a pas d’antécédents de lésions graves.

Les femmes vaccinées doivent suivre les mêmes règles que les non-vaccinées. La vaccination ne réduit pas le besoin de dépistage. C’est une erreur courante, mais dangereuse.

Une femme utilise un kit de dépistage HPV à domicile, un résultat positif s'affiche en cartoon.

Le dépistage auto-échantillonné : une révolution pour les femmes éloignées des soins

Beaucoup de femmes ne se font jamais dépister. Pourquoi ? Parce qu’elles trouvent le frottis gênant, ont peur, n’ont pas accès à un médecin, ou vivent dans des zones rurales ou défavorisées. Le dépistage auto-échantillonné change la donne.

Depuis 2024, des études menées aux États-Unis, en Australie et aux Pays-Bas montrent qu’un échantillon auto-collecté - une brosse que la femme utilise elle-même dans son vagin - est aussi fiable qu’un prélèvement fait par un professionnel. La sensibilité est de 84,4 %, la spécificité de 90,7 %. C’est presque aussi bon.

Des programmes pilotes ont montré que le dépistage auto-échantillonné augmente les taux de dépistage de 30 à 40 % chez les femmes qui n’étaient jamais allées au gynécologue. En France, des essais sont en cours dans les départements ruraux. L’idée est simple : envoyer un kit à domicile, la femme le fait seule, le renvoie par courrier, et reçoit les résultats par SMS ou par mail.

C’est une avancée majeure pour réduire les inégalités. Selon les données du CDC, près de 30 % des cancers du col de l’utérus surviennent chez des femmes qui n’ont jamais été dépistées. Le dépistage auto-échantillonné pourrait changer cela.

Que faire si le test est positif ?

Un test HPV positif ne signifie pas qu’on a un cancer. Cela signifie seulement que le virus est présent. La plupart du temps, le système immunitaire l’élimine en 1 à 2 ans.

Le protocole est clair :

  1. Si le test est positif pour les types 16 ou 18 : un colposcopie est recommandée immédiatement, même si le frottis est normal.
  2. Si le test est positif pour un autre type à haut risque : un frottis est fait en complément (appelé « reflex cytology »). Si le frottis est anormal, colposcopie. Si le frottis est normal, on reteste en 12 mois.

Les lésions détectées à ce stade peuvent être traitées en ambulatoire : une simple ablation au laser ou à la cryothérapie suffit souvent. Ces interventions sont rapides, peu douloureuses, et préservent la fertilité.

Des femmes de tous horizons célèbrent la prévention du cancer du col avec un arbre de santé.

Des disparités persistantes, même dans les pays riches

Malgré les progrès, les inégalités sont criantes. Aux États-Unis, les femmes noires ont un taux de mortalité par cancer du col de l’utérus 70 % plus élevé que les femmes blanches. En France, les femmes vivant en zones rurales ou en quartiers défavorisés sont moins dépistées.

La raison ? L’accès aux soins, la méfiance envers le système médical, le manque d’information, ou simplement la peur. Le dépistage auto-échantillonné est une réponse, mais il faut aussi des campagnes de sensibilisation adaptées, des professionnels formés à la bienveillance, et des politiques publiques qui rendent le dépistage gratuit et facile.

Le monde entier s’est engagé à éliminer le cancer du col de l’utérus d’ici 2050. L’OMS a fixé trois objectifs pour 2030 : 90 % des filles vaccinées avant 15 ans, 70 % des femmes dépistées à 35 et 45 ans, et 90 % des lésions traitées. Pour y arriver, il faut que chaque femme, partout, ait accès à la vaccination, au dépistage, et à un traitement rapide.

Et demain ?

La recherche avance vite. Des systèmes d’intelligence artificielle, comme celui de Paige.AI approuvé en 2023 par la FDA, peuvent désormais analyser des frottis avec une précision supérieure à celle de certains pathologistes humains. Les intervalles de dépistage pourraient passer à 6 ans pour les femmes ayant eu deux tests HPV négatifs consécutifs.

Le futur du dépistage sera plus simple, plus efficace, et plus humain. Moins de visites médicales, plus d’autonomie pour les femmes, et une détection plus précoce grâce à la technologie.

Le cancer du col de l’utérus n’est plus une fatalité. Il est une question d’accès, de volonté politique, et de prise en main individuelle. Vacciner, se faire dépister, et traiter les lésions : ces trois étapes sont simples. Et ensemble, elles peuvent sauver des millions de vies.

Le vaccin contre l’HPV est-il sûr ?

Oui. Plus de 15 ans d’études sur des millions de personnes montrent qu’il est très sûr. Les effets secondaires les plus courants sont une douleur au bras, une légère fièvre ou un mal de tête, comme pour les autres vaccins. Les réactions allergiques graves sont extrêmement rares. Aucune étude n’a trouvé de lien entre le vaccin HPV et des troubles neurologiques, des troubles de la fertilité ou des maladies auto-immunes.

Je suis vaccinée, dois-je encore faire un frottis ?

Oui. Le vaccin ne protège pas contre tous les types de HPV, seulement les plus dangereux. Il ne traite pas une infection déjà présente. Même si vous êtes vaccinée, vous devez suivre les recommandations de dépistage selon votre âge. Le vaccin réduit le risque, mais ne le supprime pas.

Le dépistage auto-échantillonné est-il aussi fiable qu’un frottis chez le médecin ?

Pour le test HPV, oui. Les études montrent que les échantillons auto-collectés ont une sensibilité de 84 % à 88 % pour détecter les lésions précancéreuses, contre 85 % à 90 % pour les prélèvements médicaux. La spécificité est similaire. Ce n’est pas parfait, mais c’est suffisamment fiable pour un dépistage de masse, surtout quand cela permet d’atteindre des femmes qui n’iraient jamais chez le gynécologue.

Pourquoi le dépistage commence-t-il à 25 ans et non à 21 ans ?

Parce que chez les jeunes femmes, les infections à HPV sont très fréquentes, mais elles disparaissent presque toujours d’elles-mêmes en 1 à 2 ans. Faire un dépistage trop tôt entraîne trop de faux positifs, des examens inutiles, et une anxiété inutile. À partir de 25 ans, les infections persistantes sont plus rares et plus significatives. Le test HPV à ce stade est plus précis et plus utile.

Que faire si j’ai un résultat anormal ?

Ne paniquez pas. Un résultat anormal signifie qu’il y a une lésion, pas un cancer. La plupart sont bénignes ou traitables. Vous serez orienté(e) vers une colposcopie, un examen qui permet de voir le col de l’utérus avec un grossissement. Si une lésion est visible, une biopsie sera faite. Le traitement, s’il est nécessaire, est souvent simple et rapide. Le suivi après traitement est important, mais le pronostic est excellent.