Économies du système de santé : mesurer les bénéfices des médicaments génériques
Morgan DUFRESNE 17 novembre 2025 0 Commentaires

En 2024, les médicaments génériques ont représenté 90 % de toutes les ordonnances remplies aux États-Unis - soit 3,9 milliards d’ordonnances - mais n’ont coûté que 12 % des dépenses totales en médicaments sur ordonnance. En comparaison, les médicaments de marque, qui ne représentent que 10 % des prescriptions, ont absorbé 88 % des coûts, soit 700 milliards de dollars. Ce déséquilibre n’est pas une erreur : c’est une économie massive, et elle s’élève à 482 milliards de dollars en une seule année. C’est l’équivalent du budget annuel de la santé de la France entière, économisé grâce à des pilules qui ne sont pas brevetées.

Comment les génériques font-ils tant d’économies ?

Un médicament générique n’est pas une copie de basse qualité. C’est la même substance active, dans la même dose, avec les mêmes effets thérapeutiques que le médicament de marque. La différence ? Pas de frais de recherche, pas de campagnes publicitaires, pas de brevets à protéger. Dès qu’un brevet expire, plusieurs fabricants peuvent produire le même produit. La concurrence fait chuter les prix - souvent de 80 % à 90 %.

Prenez l’exemple d’Humira, un traitement pour l’arthrite et les maladies auto-immunes. Avant l’arrivée des biosimilaires (des génériques de médicaments biologiques), un mois de traitement coûtait plus de 2 000 dollars. En 2024, grâce à l’entrée de nouveaux concurrents, l’adoption des biosimilaires est passée de 3 % à 28 % des prescriptions. Résultat : des économies de plusieurs centaines de millions de dollars pour les assureurs et les patients.

Les biosimilaires : la prochaine révolution

Les médicaments biologiques - comme ceux utilisés pour le cancer, la sclérose en plaques ou le diabète - sont complexes à produire. Ce n’est pas comme copier une pilule. Mais les biosimilaires, eux, sont des versions très proches, approuvées par la FDA comme aussi sûres et efficaces. Depuis 2015, ils ont permis à plus de 3,3 milliards de jours de traitement d’être accessibles à des patients qui ne pouvaient pas se les permettre.

En 2025, Stelara, un médicament qui coûte 6 milliards de dollars par an, va voir sept biosimilaires entrer sur le marché. Chacun sera vendu à plus de 80 % moins cher. Si tout se passe comme prévu, ces biosimilaires généreront 4,8 milliards de dollars d’économies annuelles dès 2026. Ce n’est qu’un début. Plus de 234 milliards de dollars d’économies potentielles sont en attente - mais seulement 10 % des médicaments biologiques qui vont perdre leur brevet dans les dix prochaines années ont un biosimilaire en développement. Les 90 % restants ? Aucun concurrent en vue. C’est un risque énorme pour les systèmes de santé.

Les obstacles : quand les grandes entreprises bloquent la concurrence

Les génériques ne gagnent pas toujours facilement. Les grandes entreprises pharmaceutiques utilisent des stratégies pour repousser l’arrivée des copies. L’une des plus courantes s’appelle le « pay for delay » : elles paient les fabricants de génériques pour qu’ils n’entrent pas sur le marché. Selon Blue Cross Blue Shield, ces accords coûtent en moyenne 1,2 milliard de dollars par an aux États-Unis. En échange, les génériques restent hors du marché, et les prix restent artificiellement hauts pendant des années supplémentaires.

En 2024, un rapport du Congrès américain a montré que ces pratiques ont prolongé les monopoles de 10 à 15 ans pour certains médicaments. C’est comme si un magasin de produits alimentaires bloquait les autres épiceries de vendre du lait, juste parce qu’il détient une recette. Les consommateurs paient plus, et les systèmes de santé encaissent les pertes.

Un pharmacien offre un générique à un patient âgé, un patron pharmaceutique tente de bloquer l'échange.

Le rôle des politiques publiques

La loi sur la réduction de l’inflation, adoptée en 2022, a donné au gouvernement américain le pouvoir de négocier les prix de certains médicaments pour les bénéficiaires de Medicare. En 2025, 10 médicaments sont concernés. En 2026, ce sera 30. Le Bureau du Budget du Congrès estime que cela pourrait générer entre 500 et 550 milliards de dollars d’économies sur dix ans. Si cette politique s’étendait à Medicaid et aux assurances privées, les économies pourraient dépasser 1 000 milliards de dollars.

Les prix de l’insuline, autrefois à 275 dollars la fiole, ont chuté à 25 dollars après une pression publique et des mesures fédérales. C’est un exemple concret : quand la politique agit, les prix baissent. Et les patients peuvent respirer.

Qui profite vraiment des génériques ?

Les patients, bien sûr. Mais aussi les assureurs, les hôpitaux, les gouvernements. Un étudiant qui prend un générique pour son asthme peut économiser 300 dollars par mois. Une personne âgée sur Medicare qui ne paie plus que 35 dollars pour son insuline peut choisir entre manger, payer son loyer, ou prendre son médicament. En 2024, moins de 1 % des bénéficiaires de Medicare qui atteignent la phase de couverture catastrophique utilisent uniquement des génériques - ce qui montre que les médicaments coûteux de marque sont la cause principale de leur dette médicale.

Les données de GoodRx révèlent qu’un Américain sur douze a une dette médicale directement liée aux coûts des médicaments. La plupart disent : « Je n’aurais pas pu le prendre sans le générique. »

Une balance montre les biosimilaires gagnants face aux médicaments coûteux, sous le regard de la FDA.

Les chiffres qui changent tout

  • En 2024, les génériques ont généré 482 milliards de dollars d’économies aux États-Unis.
  • Les biosimilaires ont permis 460 millions de jours de traitement supplémentaires depuis 2015.
  • Les génériques représentent 90 % des ordonnances, mais seulement 12 % des coûts.
  • Les États-Unis paient plus de trois fois ce que les autres pays de l’OCDE paient pour les mêmes médicaments de marque.
  • Le marché des génériques soutient 350 000 emplois dans 46 États.
  • Si les biosimilaires étaient pleinement adoptés, les dépenses totales en médicaments pourraient baisser de 15 à 18 % d’ici 2030.

Le piège à éviter : la qualité n’est pas un compromis

Un mythe persiste : les génériques seraient moins efficaces. Ce n’est pas vrai. La FDA exige qu’ils soient identiques en substance active, biodisponibilité et performance. Des études publiées dans Health Affairs et par l’Institut IQVIA confirment que les résultats cliniques sont les mêmes.

Les seuls vrais problèmes ? Les erreurs de substitution. Certains pharmaciens remplacent un générique par un autre - même si les deux sont valides - et certains patients réagissent différemment à des excipients. C’est un risque mineur, mais il existe. La solution ? Une meilleure communication entre médecin, pharmacien et patient. Pas un rejet des génériques.

Que faire maintenant ?

Si vous êtes patient : demandez systématiquement le générique. Il est souvent moins cher, et aussi efficace. Si vous êtes employeur ou responsable de santé : encouragez les programmes de substitution. Si vous êtes décideur : soutenez la négociation des prix et éliminez les accords « pay for delay ».

Les génériques ne sont pas une solution miracle. Mais c’est la seule stratégie qui, depuis des décennies, a réduit les coûts sans sacrifier la qualité des soins. Dans un système de santé en crise, c’est un outil puissant - et sous-utilisé.

Les médicaments génériques sont-ils aussi efficaces que les médicaments de marque ?

Oui. La FDA exige que les génériques contiennent la même substance active, dans la même dose, et qu’ils soient absorbés par le corps de la même manière que le médicament de marque. Des études indépendantes, comme celles publiées dans Health Affairs et par l’Institut IQVIA, confirment qu’il n’y a aucune différence significative en termes d’efficacité ou de sécurité.

Pourquoi les génériques coûtent-ils si peu ?

Parce qu’ils n’ont pas besoin de financer la recherche initiale, les essais cliniques coûteux ou les campagnes publicitaires. Une fois le brevet expiré, plusieurs fabricants peuvent produire le médicament. La concurrence fait baisser les prix - souvent de 80 à 90 %. Le coût de production est faible, et les marges sont limitées.

Qu’est-ce qu’un biosimilaire, et comment est-il différent d’un générique ?

Un biosimilaire est une version d’un médicament biologique - comme ceux utilisés pour le cancer ou les maladies auto-immunes. Contrairement aux génériques classiques, qui sont des copies chimiques, les biosimilaires sont des versions très similaires, mais pas identiques, car les médicaments biologiques sont produits à partir de cellules vivantes. Ils sont néanmoins approuvés comme aussi sûrs et efficaces par la FDA. Leur impact sur les prix est encore plus fort : ils peuvent réduire les coûts de plus de 80 %.

Pourquoi certains médicaments n’ont-ils pas de générique ?

Deux raisons principales : soit le brevet est encore en vigueur, soit les fabricants de génériques n’ont pas encore lancé le produit - souvent parce que les grandes entreprises pharmaceutiques paient pour retarder leur entrée sur le marché (« pay for delay »). Pour les médicaments biologiques, le problème est encore plus grand : 90 % de ceux qui vont perdre leur brevet dans les dix prochaines années n’ont aucun biosimilaire en développement.

Les génériques sont-ils sûrs ? Y a-t-il des risques de qualité ?

Oui, ils sont sûrs. La FDA inspecte les usines de génériques autant que celles des marques. En 2024, il y a eu 1 247 observations de non-conformité dans les usines de génériques - mais aussi dans celles des marques. Le taux de défauts est comparable. Le vrai risque n’est pas la qualité, mais la substitution inappropriée : certains patients réagissent différemment à des excipients ou à des formes différentes. C’est pourquoi il faut toujours consulter son médecin avant de changer de générique.